Roadie: Definition... Et plus si affinités !
Quelle definition donner au terme “Roadie”, utilisé dans le milieu du spectacle vivant ?
Si tu t’intéresses à cette question je parie que tu es passionné de musique. Tu as aussi certainement entendu dire que tu peux entrer dans le milieu professionnel en travaillant en tant que “roadie”. Je parie aussi qu’on t’a dit ça comme si c’était évident de savoir ce que ça veut dire! Mais ça ne l’est pas et tu aimerais bien y voir plus clair n’est-ce pas? J’espère que tu ne t’es pas senti idiot car ce n’était pas le but. C’est comme ça chez nous. On parle une langue bizarre et on oublie souvent qu’elle est incompréhensible…
Le monde du travail en France adore le Fran-glish! On utilise des mots américains parce qu’on croit que c’est plus sérieux… Tout le monde connait ça. Dans le milieu du Spectacle Vivant, c’est encore pire! En effet nous n’avons pas été “normalisés” ou “académisés” par l’état ou par les écoles de commerce. Donc on a notre propre vocabulaire, avec ses nuances d’une région à l’autre, et même d’une entreprise à l’autre… Les pratiques dans le Spectacle Vivant ressemblent surement plus à l’esprit de corporation qui devait exister dans les métiers sous l’Ancien Régime.
Mais je m’égare, nous ne sommes pas une secte non plus! Par contre nous sommes un des rares secteurs d’activité où on peut encore apprendre “sur le tas”. Or, faire “roadie”, ça sert souvent à ça. Par contre, si tu viens chez nous, ne sois pas surpris, tu devras apprendre notre argot à base d’anglais compris à l’envers…
MA definition de ce qu'est un roadie
Pour donner une definition le plus simplement possible de roadie je dirais que c’est un “manutentionaire” de premier niveau. J’explique ces termes plus en détails ci-après mais voici tout d’abord quelques exemples des tâches que fait un roadie:
- Charger et décharger les camions
- Assurer la manutention, le déplacement du matériel
- Aider chaque corps des métiers techniques dans sa spécialité: Montage de scène, de structure, d’accroches, de décor. Installation du son, de la vidéo, de la lumière etc.
- Aider à tirer les grandes longueurs de câbles, et les ranger au démontage.
- Rouler du câble, porter, pousser des flight-cases… etc
Le "roadie" aide mais ne remplace pas
Comme tu peux le constater dans cette liste, le terme le plus important est “aider”. En effet le roadie intervient en renfort de l’équipe technique. Mais ce sont toujours les techniciens qui ont les responsabilités. C’est pourquoi j’ai ajouté le terme “de premier niveau” à ma définition: Car le roadie est tout en bas de l’échelle. Il est là pour aider, du mieux qu’il peut, les techniciens, à faire leur travail. Du coup, il n’a pas autant de pression qu’eux sur les épaules.
Il est parfaitement normal qu’un roadie, par definition, n’ait aucune connaissance technique. Ce n’est pas ce qu’on lui demande. On voit souvent des roadies dont c’est la “première fois” et qui n’ont jamais même participé au montage d’un spectacle. Ce n’est pas un problème et ils sont accueillis avec bienveillance. Sauf s’ils tombent sur un cas extrême de “plan de merde”, où tout le monde est sur les dents…Là c’est pas de chance mais, c’est une autre histoire.
Tout ce qu’il est demandé à un roadie c’est d’être volontaire car la première de ses fonctions est la manutention. C’est une tâche physique, qui demande du courage mais pas de qualification, à part de ne pas faire n’importe quoi. Si, en plus, un roadie est curieux d’apprendre et qu’il comprend rapidement ce qui lui est demandé, il sera apprécié par les techniciens. Mais, encore une fois, il est là en renfort et a le plus bas niveau de salaire. Ce n’est donc pas sur lui qu’il y a le plus d’exigences.
Roadie n'est pas un "sous-métier"
Comme je te le disais plus haut, il existe un certain état d’esprit dans le Spectacle Vivant: On vient tous dans ces métiers par passion. Et cela créé une certaine forme de solidarité. Même si je dis que le roadie est le plus bas niveau de l’échelle, il faut aussi comprendre que chez nous… On est pas fous de hiérarchie et autres concepts verticaux ! Je ne dis pas que nous sommes tous des anarchistes. Nous sommes néanmoins un corps de métier dont la culture est celle de la vie itinérante, de la roulotte, de la communauté… Et ça laisse des traces.
Le roadie est très généralement considéré par ses collègues comme un soutien, et rarement comme un larbin! Quand il peut, le technicien prend généralement le temps d’expliquer les choses au roadie, si celui-ci a envie d’apprendre.
Par ailleurs il est très courant, et très bien accepté, de faire des “plans roadie” parce qu’on a besoin de travailler plus. C’est valable quand on est un technicien son, lumière ou autre (ce qui est mon cas) mais aussi quand on est artiste. On voit souvent des musiciens, ayant besoin de travailler plus, venir “pousser des caisses” (qui est LA vraie definition de roadie!) en complément de leur activité. Dans d’autres professions ça pourrait créer une certaine confusion voire une gêne. En effet, ça peut être assimilié à un échec. Mais chez nous c’est courant et bien considéré.
C'est, au contraire, une étape O-BLI-GA-TOIRE !
J’ai même envie d’aller plus ploin: Tu peux sortir de la meilleure école (comme Révoluson, dont je suis co-fondateur, par exemple héhé) en tant que major de ta promo. Tu pourrais même être le champion du monde des futurs techniciens son ou lumière, mais tu n’es, en fait, qu’un technicien… Potentiel. Les compétences techniques sont effectivement une chose très importante. Mais on attend surtout des gens sur le terrain qu’il “sâchent bosser”. Apprendre à l’école est une étape, et en tant que formateur je ne vais pas dire le contraire. Mais on ne devient pas professionnel à l’école, on le devient sur le terrain. Or une des meilleures façons de se professionnaliser est de “faire du road”.
Je t’invite donc, si tu es en formation ou à l’école, à ne pas attendre. Cherches des plans dès maintenant. Tu n’as pas besoin d’être formé en technique pour travailler comme roadie. Par contre, même si tu as fait la meilleure formation du monde, et même si tu as déjà fait des stages dans le domaine que tu apprends, tu DOIS faire du road. C’est une étape indispensable pour t’imprégner de ce qu’est le travail dans le Spectacle Vivant. Et je ne pense pas me tromper en disant qu’il n’existe pas technicien, aujourd’hui dans le métier, qui n’ait jamais fait de plan roadie de sa vie.
Charger et décharger les camions, porter et installer le matériel, ça fait partie de nos métiers. Ce n’est pas la partie la plus valorisante, certes, mais c’est celle que tu peux expérimenter dès à présent, sans avoir besoin de diplome, et en étant payé!
Un milieu sans académie ni dictionnaire
Donner une definition de roadie ou d’autres terme de notre jargon est forcément subjectif. Il s’agit plus d’un argot que d’un véritable vocabulaire. Il n’y a donc pas d’encyclopédie officielle et c’est tant mieux! Même la définition donnée par Wikipedia, qui est déjà une sorte de “dico”, est, à mon avis, complètement à côté de la plaque.
La definition d’un roadie sur Wikipedia est un “Machiniste itinérant”. Sauf qu’un roadie n’est pas forcément itinérant, et qu’il n’est jamais machiniste! Tout d’abord, les “plans road” sont très souvent d’être un renfort local. En effet, quand un spectacle part en tournée, On envoie sur la route l’équipe artistique et l’équipe technique. Mais les roadies font rarement partie de celle-ci. Ils sont une ressource humaine non-qualifiée donc on peut tout à fait les recruter sur place, selon les besoins pour chaque date. Ca coute moins cher que de les garder sur la route pendant toute la tournée. Le roadie est donc souvent celui qui vient du moins loin et qui a passé le moins de temps “on the road”.
Ensuite, le terme machiniste signifie “technicien en machinerie”. Un machiniste a des compétences techniques et est recruté pour celles-ci. Un roadie n’est pas recruté pour ses compétences techniques mais pour aider à la manutention. Il n’est pas technicien.
En bref je déconseille la definition de Wikipedia et je conseille plutôt cet article trouvé sur Guichet du Savoir. Là c’est plus sérieux, plus concis et ça correspond à la réalité que je connais.
le "fran-glish"
Je te vois venir à demander pourquoi on utilise le terme “roadie”? Si ça signifie “celui qui est sur la route” en english, pourquoi on s’en sert pour décrire un travailleur qui est, le plus souvent, local ?
Nous allons ici entrer en “zone grise”. Je vais donner mon interprétation d’une culture française que je trouve très paradoxale et qui laisserait plus d’un Québecquois pantois… Mais c’est subjectif ok? Les commentaires sont là si le sujet te donne envie de réagir car moi je ne dis ce que je pense. Je ne suis pas académicien.
Je pense que la langue que nous utilisons le plus de nos jours en France n’est pas de l’anglais, ni plus du français. Je pourrais faire référence à la “Novlangue” d’Orwell mais je suis de bonne humeur. Alors je ne vais pas faire de référence politique cette fois-ci. La bouillie linguistique que nous utilisons tous, au quotidien, et particulièrement dans le monde du travail, est ce que j’appelle, avec tendresse, du “fran-glish”.
C’est un anglais mal compris par des gens (nous les Français) qui ont une culture et une façon de pensée qui est l’exact opposé des américains. Cela donne la plupart du temps un verbiage incompréhensible par les anglo-saxons. Et ça cache mal un vrai sentiment d’infériorité généralisé, voire une franche honte d’être français. Ca tient presque de la schizophrénie cette manie de créer des anglicismes (usage français d’un mot anglais) à partir de mots… d’origine française! On oublie que plus de la moitié du vocabulaire anglais vient en fait du français…
Ze gwand' powtnawak
Le terme Ingénieur du Son par exemple, est une mauvaise traduction d’Audio Engineer. Il y a de quoi s’en tordre le cerveau puisque nous, les “Ingés son”, nous ne sommes pas ingénieurs mais techniciens. Et en bon français ces deux métiers ne sont pas, mais alors pas du tout, la même chose! Mais ce qui est fou c’est que ce terme Audio Engineer utilise la racine Engine, le moteur.
Or ce mot anglais vient lui du mot français le “génie”,au sens dans lequel il est utilisé par exemple dans “génie civil”. L’utilisation chez les anglo-saxons d’un mot fait à partir de “génie” est à l’origine la reconnaissance de quelque chose qui est presque sacré chez les français: La culture des ingénieurs. Elle l’est beaucoup moins chez les américains qui ont une culture plus pragmatiques et moins jacobines… Et donc on finit par retransformer “engineer” en ingénieur alors que nous, “ingénieurs du son” ne sommes “que” techniciens, c’est juste un contre-sens!
Roadie soit qui mal y pense
Pour la definition de roadie c’est pareil: En argot du spectacle américain c’est un terme qui englobe l’ensemble de “ceux qui sont sur la route”, par opposition aux sédentaires. Ceux qui ne se déplacent pas, c’est par exemple les gens de “la prod”, qui restent au bureau. C’est aussi les techniciens qui travaillent en fixe dans les salles etc. Aux USA on peut même mettre les artistes dans le paquet “roadie” et sa definition! C’est moins formel chez eux. Nous avons donc gardé le terme mais sans son état d’esprit de départ. D’une façon générale il faut se dire que tout ce qui termine par le suffixe “-y” ou “-ie” en anglais, mais surtout en américain, est approximatif et englobant. Ca colle assez peu au fait de l’utiliser pour nommer une profession bien précise comme on a coutume de le faire en France.
C’est pourtant bien ce que nous faisons: Le terme roadie décrit une fonction assez précise de manutentionaire de premeir niveau dans le spectacle vivant. De plus, je défends l’idée que les roadies sont en fait est assez peu présent sur la route… Donc tout est juste parfaitment à l’envers!
roadie: definition par un specialiste du melange des genres, moi!
Je nage depuis plus de vingt ans dans le mélange des genres et j’aime explorer les petits paradoxes que je rencontre. Je trouve ça très drôle et stimulant intellectuellement. C’est plus profond que ça a en a l’air. Je pense sincèrement que le rapport des français à la langue anglaise en dit bien plus qu’il n’y parait sur ce que nous sommes en tant que pays.
Moi je suis venu aux métiers du son parce que je suis aussi musicien. En tant qu’artiste, une de mes influences majeures est le triphop, et le triphop, c’est anglais. Donc j’ai toujours chanté en anglais… Ce n’est que tout récemment que j’ai oser écrire dans ma langue maternelle. Je baigne encore bel et bien dans ce paradoxe du “fran-glish”.
Comme entre la langue française et anglaise, la frontière entre technique et artistique est poreuse dans le spectacle vivant. Il s’agit de métiers “passion” et nous sommes de nombreux technicien à être aussi des créatifs.
La fusion des genres et des disciplines
En tant qu’artiste je m’inspire de mon métier de technicien et je m’en sers de décor pour mon univers artistique. Mon premier EP Recorder Blues, raconte par exemple mes “doutes existentiels” d’ingé son de studio qui, au fond, se sent chanteur.
Parfois j’ai aussi envie de créer sous d’autres formes et de fusionner les frontières. C’est ce que j’ai pu faire quand j’ai été invité par un festival d’art contemporain local à présenter mon univers sous la forme d’une “installation hybride”.
Tout ça pour dire que je suis à l’aise avec les mélanges et les paradoxes. C’est presque devenu un automatisme chez moi: J’en vois partout et je leur donne une interprétation. C’est juste une façon de penser qui m’amuse, il ne faut pas se vexer et croire que je fais la morale car je suis, comme tout le monde, plein de paradoxes moi-même !
Dis moi ce que tu penses, toi, de notre façon de parler un anglais qui ne veut rien dire?
conseil, definition, formation, je transmets mon point de vue à ceux que ça intéresse
J’essaie de donner un point de vue personnel sur cette culture schizophrénique française, dont nous faisons tous partie. C’est la conclusion logique à laquelle j’arrive, pour donner un sens aux nombreuses incohérences de notre pays et de notre époque.
Si ma vue d’ensemble un peu particulière et mes analyses t’intéresse, incris-toi ci dessous pour recevoir tout ce que je publie. Ce site est en construction permanente. Je l’alimente à la fois avec ce que j’ai vécu, vu et produit depuis la fin des années 90. Et de temps en temps, je publie des réflexions issues de mon quotidien de technicien son en Bretagne.
Laisse moi un commentaire si le sujet des roadies t’intéresse. Tu peux me poser une question ou juste dire bonjour! Et si tu as besoin d’un conseil ou d’une formation, envoie moi directement un email.
A bientôt au cul d’un camion futur confrère roadie (hésite pas, c’est assez génial)!
Musicalement, Mathieu.
4 réponses
Pour pouvoir laisser un commentaire il faut s’enregistrer et donc créer un compte. Je sais que c’est un peu relou et je cherche une solution pour rendre ça plus pratique.
J’essaie un outil permettant de se connecter directement avec son profil de réseaux sociaux mais les plateformes type facebook bloquent à fond ce genre de pratique car elles veulent garder tout le traffic à l’intérieur de chez eux. Donc il faut contourner leurs contrôles et c’est un peu trop compliqué pour moi… Je ne suis pas un programmeur, je bidouille juste du web… Aide bienvenue si jamais…
Je reçois donc des commentaires directement par email et je vous partage ici ceux qui sont intéressants
Reçu de “JP”
Bonjour Mathieu,
J’ai été «Roadie» pour une chanteuse en tournée sur le côte est des États-unis. Nous avons fait de grandes salles (le Carnegie Hall), des petites salles un peu partout entre Boston, New York et la caroline du nord. Mon poste consistait à accompagner la chanteuse, dans son sens large. Concrètement, c’est moi qui conduisais la camionnette, m’occupais de la prise de contact avec les gens de la salle qui nous accueillaient, la mise en place des instruments et accessoires pour les balances son, veiller à ce que tout ce qui était spécifié dans le contrat soit respecté en terme de loge et besoins de l’artiste, ainsi que le lien avec la production pour les hébergements, déplacements et défraiements etc… Le terme de Roadie peut, dans certaines cas, s’apparenter au boulot de régisseur, comme on l’entend en France. Tout dépend des circonstances et du contexte mais aux États-Unis et au Canada (en Amérique du nord), Roadie, littéralement traduit par «personne sur la route», dans des petites structures veut dire davantage que l’idée d’être au cul du camion qui est nommé «machiniste» là-bas, complètement différent du terme ici. Voilà!
Merci à JP pour ce témoignage, super éclairant non?